Le refuge SVPA de Brouvelieures

Un refuge animalier est-il un havre de paix dans la forêt loin de « la laideur du monde » ?

Par Alain Lambert

Mon expérience de l’adoption a commencé dans les Vosges avec un Empereur Romain. Le 1er août 1973, pour mon onzième anniversaire, mes parents ont adopté Titus, le bien nommé, au refuge de la Vierge à Épinal. Quelques souvenirs ont été enracinés par les émotions de cette journée particulière. Le chemin parcouru dans la 2 CV paternelle, l’autobus désaffecté qui servait de bureau à la Société Vosgienne de Protection Animale et l’odeur agréable du chien que je tenais fièrement avec une laisse en chaîne en rentrant à la maison. Pourquoi mon père est-il allé adopter ce terrier dans un refuge perdu au fond d’une carrière désaffectée ? Mon père ne connaissait que peu de chose à la cynophilie et à la protection animale mais il avait des convictions morales. Catholique pratiquant et fidèle serviteur de la République, il avait toutes les raisons d’accueillir un chien abandonné. Pour la directrice du refuge, qui avait scruté de son œil inquisiteur le duo que nous formions avec mon père, c’était du pain béni. Odette Mas de la Galterie avait pour principe de choisir un adoptant pour un chien et pas le contraire. Elle avait trouvé la « famille idéale » pour laisser partir ce chien au caractère affirmé. D’abord mes parents possédait le saint Graal du responsable de refuge : la « maison avec jardin clôturé ». Papa et maman n’étaient pas des « camps volants [1] » ! Mon paternel exerçait une activité professionnelle qui évoquait la stabilité, le sérieux et la rigueur. Il était percepteur. C’est pourquoi, la Présidente de la SVPA avait sûrement compris qu’elle avait autant de chance de voir Titus revenir au refuge que d’entendre la voix de la Vierge Marie lui ordonner de visiter la chapelle de Donrémi. Sur ce point, elle avait raison.  Malgré un comportement qu’on pouvait qualifier de « difficile » ce chien a vécu confortablement ses jours chez mes parents et a vécu plus de 20 ans.

[1] Synonyme : bohémien, vagabond


De la protection animale à l’isolement total…

45 ans plus tard, je suis retourné à la SVPA, qui existait encore mais n’était plus à Epinal. Situé à Brouvelieures à la lisière d’un massif forestier, le refuge était tenu par une équipe entièrement féminine et présidée par Edith Quié une personne qui était déjà bénévole dans l’association à l’époque où nous avions adopté Titus. En 2018, les procédures d’adoption n’avaient quasiment pas changé. L’association gardait la ligne directrice de sa fondatrice enterrée, comme une icône, à l’entrée de l’établissement.  La présentation sur internet, par exemple, des animaux à adopter n’était absolument pas d’actualité ! Le site de l’association qui ne comptait que quelques pages de présentation, était on ne peut plus clair sur la philosophie de la maison : “On n’achète pas un animal en cliquant sur une souris ! Si nous consacrons sur ce site une page destinée aux animaux trouvés / perdus, nous ne souhaitons pas publier une « vitrine » de chiens et chats à adopter. Imaginons ce que serait la publication de tous nos animaux mis en ligne  comme sur un catalogue vivant ! Ce n’est certes pas le but recherché. »

Et quel était donc le but recherché ? En théorie, un refuge est un lieu où l’on se réfugie pour échapper à un danger. Il n’est donc pas étonnant que pour un certain nombre d’acteurs de la protection animale, le refuge animalier soit une sorte de rempart pour protéger les animaux domestiques du monde extérieur. Cela peut conduire parfois certains gestionnaires qui offrent abri, soins et nourriture à leurs protégés, à devenir des adeptes du repli sur soi. Des protecteurs qui regardent d’un mauvais œil tout ce qui vient d’ailleurs et vont jusqu’à considérer l’adoptant éventuel comme un maltraitant potentiel. La lecture de la biographie de cette Présidente qui a dirigé la SPA des Vosges pendant presque quarante ans , sans vouloir lui faire offense, permet de comprendre qu’elle en faisait partie  : « Parce qu’elle a observé la laideur d’un monde dont, par contre-coup, souffrent les animaux, Odette MAS rejoint l’embryon d’une protection animale déjà sur place, à EPINAL (Vosges).  »

Pourtant derrière cette théorie idéale du « havre de paix » se cache souvent une réalité beaucoup moins heureuse. S’il n’y a pas d’ouverture vers l’extérieur, le refuge est nécrosant. Moins les chiens ont d’activité, plus ils deviennent compliqués à adopter au fur et à mesure des semaines, des mois et des années. Chaque jour qui passe peut faire d’un chien de refuge un animal inadapté au monde extérieur condamné à finir sa vie en détention. Un élément manquant de mon souvenir d’enfant m’a tout de suite frappé quand je l’ai revisité. Il n’y avait plus, comme à l’époque de Madame Mas, de parcs canins où vivaient plusieurs chiens en communauté. Le terrain était parsemé de box posés ici et là comme des cages à oiseaux où chaque chien vivait séparé des autres animaux. Sur ce point, la secrétaire de l’association qui m’accompagnait fut catégorique : « maintenant, il est très difficile de faire cohabiter des chiens. Les chiens s’entendent de moins en moins bien.…parce qu’ils sont moins bien élevés qu’avant… ». Un constat qui poussait les responsables de ce refuge à ne plus les faire vivre en communauté dans des parcs canins à les isoler encore plus. Le bonheur pour un cador serait-il de vivre enfermé dans un petit bout de terrain loin des vilains humains et des autres chiens ? Cela n’est pas certain…

En 2021, la direction a changé. Visiblement la politique de communication a changé...

41 Rue des Forges,
Brouvelieures, 88600

http://www.svpa.fr/

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