Affaire 30 millions d’amis : Réha Kutlu Hutin une « administratrice bénévole » à 5000 euros par mois au minimum !

Par Alain Lambert, Rédacteur principal du Journal de la Protection Animale

L’affaire 30 millions d’amis que nous avons révélée en 2016 voit (enfin) le jour dans les médias. C’est un parfait exemple des pratiques scandaleuses que peuvent commettre certains responsables d’organisations à but non lucratif. Derrière une communication moralisatrice et larmoyante se cache parfois l’intéressement d’administrateurs peu bienveillants.

L’argent des donateurs qui part dans les comptes d’une « bénévole » sans scrupule !

En 2016, quand nous avions dénoncé le système Hutin, la fondation 30 millions d’amis s’était fendue d’une déclaration particulièrement savoureuse aujourd’hui : « depuis le décès de son époux, Madame Reha Hutin, Présidente de la Fondation 30 Millions d’Amis, continue bénévolement son action et son combat pour la défense animale. » écrivait cette fondation à notre journal.

L’enquête publiée par le JDD en mars et avril 2023 montre que la femme de Jean Pierre Hutin a une vision très personnelle du bénévolat. Nous avons la preuve que sa société de production ( PROTV une société anonyme unipersonnelle) ponctionne les comptes de la Fondation d’au minimum 70 000 euros par mois (et ce n’est vraiment qu’un minimum). L’article du Monde du 31 mars 2023  explique aussi que « Reha Hutin est salariée de la société Pro TV, qu’elle contrôle, et perçoit à ce titre 5 000 euros par mois ». Ainsi, les informations que nous avons à notre disposition montrent que Madame Hutin touche personnellement depuis la mort de son mari, des royalties sur la marque 30 millions d’amis en plus des fonds alloués à la société Pro TV. L’argent provenant des donateurs réguliers de la Fondation a bénéficié également à l’entourage de la Présidente « bénévole » à travers plusieurs autres structures juridiques. Certaines de ces structures existent encore aujourd’hui, d’autres n’ont duré que peu de temps, comme la société Amiclic qui a permis à Madame Hutin et à ses proches de toucher des sommes qui se comptent en millions d’euros…

L’affaire met en évidence, les difficultés chroniques des pouvoirs publics à contrôler les dérives des associations et des fondations reconnues d’utilité publique.

Que peut on dire aujourd’hui de l’affirmation qu’assénait la fondation en 2016 : «le JPA entretient une confusion volontaire et délibérée entre la Fondation 30 Millions d’Amis et la société PRO TV. Ces deux entités sont parfaitement distinctes juridiquement et scrupuleusement contrôlées» ?

Dans l’article du JDD, on apprend ainsi que la société de Madame Hutin n’a qu’un seul client depuis la fin de son émission de télévision : la fondation 30 millions d’amis ! Comme « entités distinctes », elle aurait pu faire mieux ! Cette affaire est révélatrice des maux qui peuvent atteindre les administrateurs d’associations ou de fondations caritatives. Quand les comptes de ces organisations sont pleins, la tentation pour les administrateurs « bénévoles » d’en profiter n’est jamais très loin… Pour ce qui est du contrôle scrupuleux, il est particulièrement troublant d’apprendre que le commissaire du Gouvernement au ministère de l’intérieur a pu valider pendant des années une pratique aussi scandaleuse. C’est dire à quel point le contrôle des autorités de tutelle des organisations à but non lucratif ou des fondations reconnues d’utilité publique (RUP) est parfois particulièrement peu efficace (pour rester poli). Ce n’est malheureusement pas la première fois que l’administration de notre pays patine dans ce genre d’affaire. La SPA, la fondation Assistance aux Animaux, la Confédération Défense de l’Animal et une multitude d’autres organisations animalières ont permis à certains administrateurs « bénévoles » de s’octroyer des avantages, de faire travailler leurs copains ou de loger leurs amis avec des biens légués par les donateurs.

De la transformation de l’adhérent militant au donateur client, il n’y a qu’un amiclic !

Derrière les scandales à répétition des organisations de protection animale se cache un mal bien plus profond qui s’est accentué depuis l’arrivée d’internet dans nos maisons : la transformation de l’information des associations caritatives en communication commerciale. Il faut reconnaître que Réha Kutlu Hutin a été une des premières à comprendre l’opportunité financière d’internet. Pendant que les autres associations de protection animale publiaient encore des feuilles de choux pour informer leurs adhérents, elle plongeait à pieds joints dans le marketing numérique en ouvrant la première un site internet (www.30millionsdamis.fr le 15 décembre 1996). Le fond de commerce de la communication de 30 millions d’amis repose sur plusieurs axes biens définis qui ont pour objet principal de transformer les adhérents de la cause animale en donateur régulier. Le business plan de la sulfureuse société Amiclic est un modèle du genre pour nous permettre de décortiquer ces pratiques marketing qui sont aujourd’hui reprises en grande partie par la SPA de Paris…

Une vidéo parodique du Journal de la Protection Animale sur Cruella Butin de la Fondation 30 millions d’euros

Où va l’argent de la protection animale ?

Le financement de la protection animale est un sujet délicat, presque tabou. Pour protéger les animaux, certains ont fait de leurs domiciles des refuges improvisés et se sont retrouvés sans le sou au bout de quelques années. D’autres ont su créer des associations ou des fondations riches à millions en bénéficiant de dons et de legs considérables… Quoiqu’on en dise, le secteur de la protection animale est inféodé à la recherche de financements et le moins que l’on puisse dire c’est que certains « protecteurs » sont plus doués que d’autre dans ce domaine.

Publication des comptes

Donner à une association ou à une fondation ayant pignon sur rue devrait être une garantie de l’utilisation efficace, rationnelle et éthique de ces fonds. Ces organismes, qui communiquent si bien sur l’importance de « donner pour les animaux », sont moins ouverts lorsqu’il s’agit de s’expliquer sur leurs dépenses. Leurs sites internet sont peu loquaces et, malheureusement, les comptes annuels publiés par ces organismes sont loin d’être des bilans comptables accompagnés d’explications détaillées qui permettent une analyse claire et efficace. Pour obtenir le bilan d’une société commerciale, il suffit de payer quelques euros aux greffes du tribunal de commerce. Pour consulter le bilan complet d’une association ou d’une fondation, c’est une autre paire de manches… Force est de constater que ces organismes savent demander l’argent mais ont beaucoup de mal à montrer ce qu’ils en font …

Deux exemples à observer : la SPA de Paris et 30 Millions d’amis

Les exemples de la Spa de Paris et de la fondation 30 millions d’amis sont particulièrement révélateurs.
Grace à son statut de « fondation » reconnue « d’utilité publique », avec deux petits refuges, Réha Hutin arrive à capter chaque année plus de 20 millions d’euros de dons et de legs. Chez 30 millions d’amis, 30 % seulement des sommes collectées sont reversées à différents refuges indépendants au bon vouloir de son indéboulonnable présidente. Le reste part dans des actions de « sensibilisation du public », de « frais d’appel à la générosité du public » et des « réserves financières ». On sait maintenant, grâce aux articles du Journal du Dimanche et du Monde en mars 2023 que la société de production de la femme d’affaires propriétaire de la marque touche une partie importante du pactole (sa société PRO TV ne publie plus son bilan depuis 2005)…

La Spa de Paris, quand à elle, qui gère directement 62 refuges et dispensaires est une « association » qui génère plus de 60 millions de legs et de dons…Suite à plusieurs rapports de la cour des comptes, une administratrice provisoire, Maître Lebossé a été chargé de sa gestion pendant 3 ans et demi. Un remède pire que le mal ? Un article du canard enchaîné relate qu’elle a ponctionné au profit de son cabinet dans les comptes de l’association plus d’1,2 million d’euros ainsi que plusieurs centaines de milliers d’euros versés aux différents cabinets amis. En cadeau de départ, elle a laissé un nouveau conseil d’administration à sa main qui ne lui demandera certainement pas de rembourser tout ou partie des sommes perçues. Cerise sur le gâteau d’adieu, la nouvelle présidente de la spa de Paris, Natacha Harry, qui communique à son profit pour les animaleries jardiland et la marque pedigree… Suite à nos articles, elle a décidé de démissionner pour laisser la place au Général Jacques Charles Fombonne qui fait dépenser à l’association 10 millions d’euros pour faire de la communication.

Le journal de la protection animale suivra ces deux dossiers, Spa de Paris et 30 millions d’amis, car ces deux sagas ne risquent pas de se terminer aujourd’hui…Le JPA s’intéressera également à la gestion d’autres organismes (petits ou grands) qui font appels aux dons.

A qui faut-il donner pour aider les animaux ?

Avant de donner à un organisme de protection animale, qu’il soit fondation ou association, mieux vaut être sûr de sa gestion. C’est pourquoi, même si sa communication est attrayante (voire larmoyante), vérifiez qu’il a une comptabilité saine et détaillée. Si c’est une association n’hésitez pas à adhérer c’est le meilleur moyen d’avoir accès aux comptes d’exploitation et de faire entendre votre voix.